Chaque fin de semaine, une présence bienveillante sillonne les nuits yverdonnoises, offrant aux noctambules de tous horizons une écoute attentive, sans préjugés.
Ce samedi soir pourtant, les rôles sont inversés. C’est nous qui partons à la rencontre de Millija et John pour suivre, le temps d’une nuit, leur mission de médiateur nocturne sur le terrain.
Des voix s’échauffent. Un homme en colère sur son scooter électrique se place devant une voiture qui prend un sens unique à contresens. Il y a des cris, des insultes. Après plusieurs minutes d’échanges verbaux, chacun repart de son côté, chauffé à blanc. Circulez, y’a rien à voir.
Interloqué par cette scène, je m'empresse de rejoindre le photographe et nos deux «gardiens de la nuit» qui m'attendent dans leur local, à quelques pas d'ici.
En préambule, ils nous parlent du concept de médiation nocturne développé à Yverdon-les-Bains dans le but d'améliorer le sentiment de sécurité. Une équipe de plus de 20 médiateurs, facilement identifiables à leur chasuble bleue, se répartissent en tournus les soirs de week-end. Des citoyennes et des citoyens de différents horizons, portés par un élan spontané en faveur de la conciliation et du bien-vivre ensemble.
Une agréable douceur nous invite à profiter généreusement de la nuit. Sans tarder, nous partons prendre le pouls de la soirée. Les terrasses animent le centre-ville d'une lueur apaisante, l’ambiance est à la détente. Accompagnés de nos médiateurs, nous évoluons en mode observateur… C’est une sensation nouvelle et très particulière.
La place Pestalozzi scintille de photophores et nous arrivons tranquillement à la rue de la Plaine. Quelques paroles amicales s'échangent avec le public, un match de foot est diffusé en live. On blague, on rit. Amusez-vous bien, passez une belle soirée !
En arrivant vers le kiosque à la hauteur du casino, John évoque une anecdote: «Parfois, les gens n'aiment pas être dérangés. Lors d'une de mes premières sorties en tant que médiateur stagiaire, on s'est mis à discuter avec quelqu'un. Bien malgré moi, ma posture naturelle avec les mains sur les coudes n'avait en rien une attitude d'ouverture. La personne commençait à s'énerver en me voyant comme ça…»
– Hé, toi. Tu te prends pour qui ?
La règle fondamentale est le respect et le non-jugement. C'est important d'avoir une posture bienveillante, ne pas se placer en moralisateur et être vraiment à l'écoute.
Le monde de la nuit peut très vite nous prendre au dépourvu. Alors, on apprend à avoir la bonne attitude, aller dans le sens de la personne et très vite jauger la situation. Être à l'écoute signifie aussi comprendre, adopter un comportement jovial. Dans des situations tendues, on fait tout pour ne pas attiser les tensions. On temporise pour calmer le jeu et si ça ne joue pas, on passe à autre chose. Nous faisons appel à la police seulement en cas de nécessité. Avec l'expérience, on sait qu'on va vivre des situations touchantes, amusantes ou difficiles et on y va toujours avec le sourire, dans un esprit de bienveillance.
Les gens que nous rencontrons sont surtout très curieux de savoir qui nous sommes avec notre chasuble bleue, et s’intéressent à notre activité. Ils réagissent globalement très positivement et les liens se tissent assez facilement. Nous avons une image qu'on peut qualifier d'ami, d'égal à égal, sans hiérarchie. Et lorsque nous demandons comment se passe la soirée, on nous dit ce qui va bien et ce qui va moins bien. Qu'il faudrait peut-être aller voir par là-bas…
Je trouve un peu triste qu'aujourd'hui, on n'écoute plus ceux qui en ont le plus besoin.
John nous explique qu'après minuit le public n'est plus le même, il y a moins de barrières. L'alcool et la fatigue changent les comportements, parfois les émotions sont à fleur de peau. Des personnes nous confient leurs soucis, leurs problèmes de vie et nous, on offre une écoute. C'est important de savoir qu'on peut parler, désamorcer sans jugement ou sermon, juste pour partager quelque chose.
Parfois, on parle plus d'une heure et si on a pu égayer la soirée de quelques personnes, ça nous fait vraiment plaisir, c'est notre récompense… Donner du bon temps pour aider nos semblables et diffuser un peu de lumière au cœur de la nuit.
La médiation nocturne a été mise en place pour la première fois en mars 2016. Depuis lors, le centre-ville d’Yverdon-les-Bains est parcouru les soirs de week-end par deux médiateurs, facilement identifiables à leur chasuble. Parmi les missions de ces binômes :
Le concept de médiation nocturne est l’aboutissement réussi d’une collaboration interservices entre le Service de la sécurité publique et le Service de la jeunesse et de la cohésion sociale, visant à apaiser les rues du centre-ville d’Yverdon-les-Bains les soirs de week-end, ainsi qu’à améliorer le sentiment de sécurité de ses habitants et de ses usagers.
Qui sont les médiateurs nocturnes ?
Le recrutement de citoyens et citoyennes de toute classe d’âge et d’origine, prêts à s’investir dans le tissu social de la ville d'Yverdon-les-Bains, a été privilégié à l’engagement de médiateurs professionnels. Ce choix s’inscrit dans le souhait d’encourager une démarche citoyenne de la part de personnes désireuses de s’impliquer pour le développement du bien-vivre ensemble et dans la création d’un lien social harmonieux.
Ces citoyennes et citoyens, au nombre de 21 en juin 2023, ont tous suivi quatre jours de formation de base, abordant notamment l’entrée en lien, le dialogue, la médiation de rue ou encore les bases de la communication non violente. Des formations continues sont régulièrement mises en place afin de permettre aux médiateurs de maintenir et également d’élargir leurs acquis.
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